
L’Otan à la croisée des chemins
La transformation est en marche. Si certains pays européens ne souhaitent pas trop s’éloigner des États-Unis, la question d’européanisation de la défense et celle – très française –, d’une autonomie stratégique plus développée, occupent les esprits. Le tout est de trouver le bon chemin, qui convient au plus grand nombre. Et à un coût supportable.
Pas question de se passer de l’OTAN, « qui sait faire militairement des choses que l’Union européenne ne sait pas faire », estime un diplomate français lors du Paris Defense and Strategic Forum, qui se tenait du 11 au 13 mars derniers à l’Ecole militaire, à Paris.
« Il est illusoire de penser qu’on peut faire une défense collective ailleurs que dans l’OTAN », insiste le Général François-Marie Gougeon, directeur de la division politique et capacités de l’état-major international de l’Alliance. D’ailleurs, souligne l’Amiral Pierre Vandier, commandant suprême allié pour la transformation, « L’OTAN est l’alliance la plus à succès de l’histoire ».
Le postulat posé, les discussions sont ouvertes sur les modalités de transformation de l’Alliance tant du point de vue capacitaire, politique et communicationnel. Cela implique une prise de risques collectifs, à commencer par la question budgétaire à laquelle les Européens s’attellent. La réduction des « lignes de défense » lors des dividendes de la paix a entraîné la perte de capacités clés : la défense antimissile/antiaérienne, la guerre électronique, la logistique terrestre, le commandement et le contrôle (C2 )… Actuellement les plans militaires opérationnels sont traduits en besoins concrètement chiffrés, en volume, pour chacun des membres de l’Alliance, qui seront validés en juin prochain, au Sommet de La Haye.
Le but est de redistribuer le fardeau de la défense, conséquence du retrait américain, tout en assurant une cohérence des équipements de pointe interopérables, dans un bon rapport coût-efficacité. L’objectif est aussi de réduire la fragmentation industrielle notamment européenne : plus d’une dizaine de chars différents ou encore une vingtaine d’avions. Cela permettrait d’harmoniser les capacités et d’améliorer l’interopérabilité des systèmes.
De facto, la mobilisation industrielle est le moteur du réarmement de l’Europe. « Nous avons cinq ans pour remonter en puissance, c’est court », souligne le Général Gougeon qui pointe l’importance du dialogue avec les industriels de défense pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement et les calendriers de production face à une demande accrue. La recherche de solutions innovantes doit aider à combler les trous capacitaires, tout comme l’utilisation d’outils logistiques et industriels civils. Les lignes de production automobiles, habitués à produire vite et en volume, pourraient servir à fabriquer des drones ou des blindés, par exemple.
Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Une hausse des budgets est inéluctable. Le plan « réarmer l’Europe » propose des facilités et une aide de 800 milliards d’euros dans les années qui viennent. La Pologne a mis les bouchées doubles au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, en février 2022. Elle est passée de 2,42% de son PIB consacré à la défense à 4,12% en 2024. L’Estonie et la Lettonie ont fait de même. Ces pays sont tous situés sur le flanc est de l’Europe et disposent d’une frontière terrestre avec la Russie. Hormis la Grèce qui a accru son budget militaire depuis 2020 et l’Allemagne qui vient de valider un fonds spécial de 500 milliards d’euros pour réarmer et moderniser son armée, les autres européens, plus éloignés géographiquement de la Russie, sont plus mesurés dans leurs efforts financiers. En France, Emmanuel Macron veut porter à moyen terme le budget à 3,5% du PIB par an contre un peu plus de 2% aujourd’hui, soit 50,5 milliards d’euros (hors pensions militaires). Sébastien Lecornu, ministre des Armées, estime que son budget pourrait atteindre une centaine de milliards (contre 67 milliards d’euros en 2030, comme le prévoit la LPM). Les discussions s’annoncent intenses dans les semaines à venir.
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